Nous etions trois, ce matin-la, Paul Bourget, Sam Pozzi et moi, sur le sommet d'un bizarre edifice tres etroit et tres haut: autour de nous, d'autres edifices semblables dressaient, dans la brume ensoleillee d'octobre, leurs dix etages surmontes de vilaines cheminees noires. Le murmure confus d'une grande ville emplissait l'atmosphere; on entrevoyait au loin les bouquets d'arbres des jardins publics, et toute une portion de l'horizon se trouvait fermee par une nappe d'eau incolore et paisible, qui ne ressemblait pas tout a fait a la mer, bien qu'il fut impossible de dire en quoi elle en differait. Paul Bourget avait voulu voir cet Athletic club de Chicago qui nous donnait l'hospitalite, a Pozzi et a moi, pour la plus grande satisfaction de nos instincts de sybarites; nous lui avions montre la piscine d'eau tiede avec ses balcons de marbre et ses girandoles de fer forge, la salle de billard, enorme et somptueuse, les chambres a coucher, le grand gymnase avec ses pistes elastiques pour les coureurs, et ses multiples appareils pour la joie des muscles, puis, tout en haut, les salles de paume; et, entre temps, nous causions de la belle audace yankee, de ces quelques capitalistes qui, de leur propre initiative et malgre des obstacles et des labeurs sans fin, avaient cree cette Exposition ou s'ecoulaient la plupart de nos journees: soudain le petit boy, qui faisait notre service, nous avait croises dans un couloir et s'etait exclame Venez, venez vite sur le toit voir les foules qui vont a la World's Fair; et ces mots: les foules, World's Fair, prenaient sur ses levres des allures geantes: une ivresse orgueilleuse animait ses yeux pales. Comme il etait fier, le petit Chicagoien !...
Show moreNous etions trois, ce matin-la, Paul Bourget, Sam Pozzi et moi, sur le sommet d'un bizarre edifice tres etroit et tres haut: autour de nous, d'autres edifices semblables dressaient, dans la brume ensoleillee d'octobre, leurs dix etages surmontes de vilaines cheminees noires. Le murmure confus d'une grande ville emplissait l'atmosphere; on entrevoyait au loin les bouquets d'arbres des jardins publics, et toute une portion de l'horizon se trouvait fermee par une nappe d'eau incolore et paisible, qui ne ressemblait pas tout a fait a la mer, bien qu'il fut impossible de dire en quoi elle en differait. Paul Bourget avait voulu voir cet Athletic club de Chicago qui nous donnait l'hospitalite, a Pozzi et a moi, pour la plus grande satisfaction de nos instincts de sybarites; nous lui avions montre la piscine d'eau tiede avec ses balcons de marbre et ses girandoles de fer forge, la salle de billard, enorme et somptueuse, les chambres a coucher, le grand gymnase avec ses pistes elastiques pour les coureurs, et ses multiples appareils pour la joie des muscles, puis, tout en haut, les salles de paume; et, entre temps, nous causions de la belle audace yankee, de ces quelques capitalistes qui, de leur propre initiative et malgre des obstacles et des labeurs sans fin, avaient cree cette Exposition ou s'ecoulaient la plupart de nos journees: soudain le petit boy, qui faisait notre service, nous avait croises dans un couloir et s'etait exclame Venez, venez vite sur le toit voir les foules qui vont a la World's Fair; et ces mots: les foules, World's Fair, prenaient sur ses levres des allures geantes: une ivresse orgueilleuse animait ses yeux pales. Comme il etait fier, le petit Chicagoien !...
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